Extension Carrefour Montesson, focus : Un four en été, et une occasion manquée pour le photovoltaïque

Le projet d’extension pose de nombreuses questions, et le dossier d’enquête publique est lourd (>100 documents). Nous proposons ici une série d’analyses thématiques, mises en ligne au fur et à mesure de leur rédaction. Les sujets les plus ‘lourds’ restent à venir !   

Le photovoltaïque sur les centres commerciaux

L’implantation de panneaux photovoltaïque en toiture des grandes surfaces est pertinent pour 2 raisons spécifiques :

  1. Economique : Une vaste toiture, relativement facile d’accès, permet des économies d’échelle (en particulier d’installation, poste prépondérant).
  2. Technique : L’activité des commerces est essentiellement diurne. Et surtout, le plus gros poste de consommation est lié à la réfrigération (avec un pic l’été), en particulier pour les commerces alimentaires.  
L’étude thermique(1) montre
clairement la prévalence de la climatisation :
A comparer à la ressource solaire :

La ressource et le besoin sont concomitants.

Malheureusement l’étude ne quantifie pas le besoin électrique en fonction du temps (cycles saisonniers ; nocture/diurne). Et la ressource en énergie solaire n’est pas mise en regard. Le document(2) conclue bien que le photovoltaïque est le plus pertinent, le reste est un copié-collé de généralités sans données chiffrées sur ce projet. 

D’un point de vue écologique, contrairement aux idées reçues les panneaux actuels (silicium) ne contiennent aucunes terres rares ni ressource pénalisante pour l’environnement. Par contre leur fabrication nécessite de l’énergie. 

La production attendue de 400 MWh/an annoncée dans le dossier(3) (qui prend en compte l’ensoleillement local) est à comparer aux 1 000 MWh dépensés pour leur fabrication (500kwh/m² x 2000m²), soit un retour sur investissement énergétique de moins de 3 ans, comparé à une durée de vie de 20-30 ans.

Le “retour sur investissement” en terme d’émission carbone sera quant à lui significativement moins favorable, si l’énergie pour produire les panneaux est plus carbonée que l’énergie économisée en France. Les panneaux asiatiques sont majoritaires sur les très grandes installations au sol, mais a priori pas sur ce type d’installation(6). L’information manque, et le dossier ne mentionne pas si ce paramètre sera pris en compte dans le choix du fournisseur des panneaux. 

La performance énergétique du projet d’extension : un gouffre énergétique en été

La norme thermique utilisée dans l’étude est la RT2012, applicable à la date de dépose du permis. 

Le nouveau standard RE2020 est applicable au 1er janvier 2022 pour le logement et attendu en 2024 pour les commerces. A la date de livraison de l’extension, le bâtiment sera déjà énergétiquement obsolète.

Au-delà des normes, la conception du bâtiment semble optimisée pour attirer le chaland, au mépris du bon sens énergétique :

  • Verrière sans brise-soleil (avec des dalles « 50% opaque pour respecter la réglementation thermique » (4) , ça sent l’ajustement de dernière minute).
  • Grande façade en verre sans protection, fortement ensoleillée de mai à aout malgré l’orientation N-O. 
  • Double vitrage de qualité (Ug=1.1) … mais verrière passoires (Uw=2.5)(1), probablement à cause des montants métalliques nécessaires à la réalisation de grandes portées esthétiques.

Au global l’étude thermique (1) doit répondre à 2 critères:

  • Bbio : conforme mais sans marge, avec des hypothèses climatiques anciennes. 
  • Cep : la consommation en kwh/an/m². Cette grandeur, plus concrète que le bbio est  censurée dans la synthèse disponible ! 

Ce qui laisse à penser que la performance est proche du max admissible soit ~600 kwh/an/m² (le rapport parle de “droit à climatiser”). Chiffre confirmé par la consommation CO2 annoncée(7). L’extension seule consommerait l’équivalent de 1600 maisons, pour un coût de 0.6M€/an. 

Les projets actuels les plus ambitieux sont presque 2x plus économes(8).

Et pour cause, le bâtiment tel que présenté est une serre, donc un gouffre énergétique en été (graph en début d’article), voir un four lors des pics de chaleur.

C’est d’autant plus regrettable que d’autres postes, comme l’éclairage, ont visiblement été optimisés(1).

Eclairer tout en se protégeant du soleil, c’est connu depuis le XIXème siècle.

Et si revisiter la toiture ‘Shed’ était le vrai signe de modernité ? Aux architectes de trouver une déclinaison sexy de ce concept simple :

Precast reinforced concrete roof COPERTURA Z-SHED by ZANON PREFABBRICATI |  Architecture d'usine, Toit en verre, Béton armé
Verrière en shed pour toits en pente | VELUX Commercial

Une occasion manquée pour rénover l’existant

L’étude ne se positionne pas sur le décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 entré en vigueur le 1er octobre 2019.

Celui-ci fixe pour les bâtiments tertiaires (y compris existants) : -40% de consommation à l’horizon 2030, par rapport à une année de référence fixé à 2010 (Avec des dérogations selon contraintes techniques, économiques). 

Ce projet devrait être l’occasion de rénover l’existant et de mutualiser les besoins énergétiques.  

Réconcilier sobrement le besoin électrique et la ressource solaire 

Le dossier affirme qu’il est nécessaire de tirer une nouvelle ligne électrique sur 5.5km, depuis la rive nord du pont du Pecq (5), pour répondre à la demande de Carrefour d’un raccordement 7 000kW (soit l’équivalent des compteurs de ~1000 foyers !).

Les ressources consommées, les nuisances (tranchées dans les trottoirs), et la dépense (chiffrée à 0.5M€ – dont 40% à charge de la collectivité) pour créer cette ligne amènent les questions suivantes :

  • Quelle marge pour cette ligne ? – Compatible avec une extension ultérieure – ?
  • Quelle configuration technique aurait permis de l’éviter ? On pense à :
    • Une conception optimisée de l’extension, et rénovation du Carrefour existant (probablement un gouffre énergétique) – en ligne avec le décret du 23 juillet 2019 applicable.
    • Sachant que Carrefour argumente probablement que l’amélioration du bâtiment existant est irréaliste économiquement. Il conviendrait a minima de déduire le coût de cette nouvelle ligne électrique.
    • la réduction du nombre de m² de ce projet, en se limitant au besoin réal local.
    • L’utilisation de la pleine ressource solaire en toiture. NB : le projet prévoit du photovoltaïque sur <20% de la surface de la toiture, et <<10% si on compte le bâtiment existant et les parkings). L’ordre de grandeur du coût, pour couvrir une part significative du besoin étant de 4.5M€ pour 3 000kWc(5), réalisable simplement en recouvrant aussi le parking silo (+12 000m²) d’ombrières solaires. Retour sur investissement de l’ordre de 15ans (pour une durée de vie de 20-30ans).
    • L’ensemble associé à une utilisation intelligente de la ressource (typiquement stockage de froid et recharge des véhicules en phase avec la production).

Conclusion du Focus 1

Le dossier d’enquête publique tente maladroitement de masquer des faiblesses importantes du projet : le bâtiment mise sur l’apparence, avec une ‘rue couverte’ vitrée, gouffre énergétique à climatiser en été. 

Les meilleures réalisations actuelles sont presque 2x plus économes.

Il passe à côté de l’opportunité unique à ce type de bâtiment, de produire une part significative de l’électricité sur place, avec un gain financier sur le long terme. 

Une conception visant la sobriété et maximisant l’autoconsommation aurait pu avoir le bénéfice supplémentaire d’éviter des travaux sur 5.5km de voirie pour tirer une nouvelle ligne électrique.

Notes

  1. PC 16-1 Note thermique récapitulative de l’étude RT2012
  2. Annexe 08 – Etude de faisabilité sur le potentiel de développement en énergies renouvelables
  3. PC 11 – Etude d’impact sur l’environnement, page 49
  4. PC 11 – Etude d’impact sur l’environnement, page 37 
  5. Enedis – Avis du 17-05-2019 reçu le 24-05-2019
  6. Commission de régulation de l’Energie – FÉVRIER 2019 – Coûts et rentabilités du grand photovoltaïque en métropole continentale, page 17 et p24
  7. Dossier CNAC Mars 2021, page 202, et:

1 015 000 KgCO2 / 0.075KgCo2/kwh (moyenne en France)= 13 500 000 KWh/an. 

13 500 000 kwh/an / 21 800m² = 619kwh/(m².an)

  1. https://www.enerzine.com/un-centre-commercial-tres-econome-en-energie/11612-2010-09