Ci-dessous notre contribution in-extenso, telle que déposée le 29/11/21 sur https://www.enquetes-publiques.com/Enquetes_WEB/FR/EP21404/Accueil.awp:
Sur la complétude du dossier, on regrettera l’absence d’analyse de la part de la Mission Régionale d’Autorité Environnementale (MRAE). Ce manque est justifié par le fait que la MRAE n’a pas répondu dans les temps (délai de 2 mois, au dépôt initial du dossier, en 2019. Un ‘repêchage’ lors des itérations ultérieures aurait pu être accordé).
Sur d’autre dossiers, l’avis de la MRAE c’était révélé très éclairant.
Cette absence est très préjudiciable, car sur les aspects environnementaux au sens large (dont bilan carbone), aucun avis indépendant d’un organisme compétent n’est proposé. La CNAC présente un volet environnement, mais ne fait que reprendre l’argumentaire commercial fourni par Carrefour.
En l’absence d’analyse impartiale et globale, nous avons été contraints d’étudier l’intégralité des documents du dossier d’enquête publique (soit plus de 100 pièces).
Notre analyse a fait l’objet d’articles sur : https://carrieres-sur-seine-ensemble.com/actualite/
En voici les principales conclusions :
Une réponse au déficit d’offre commerciale (et de loisirs)
Le projet d’extension répond, comme le décrit l’étude, à un déficit d’offre commerciale dans la Boucle de Seine.
La fermeture (quelques semaines avant cette enquête) du Décathlon a accentué l’attente des habitants. Il ne faudrait cependant pas que la perspective de retrouver cette enseigne soit interprétée comme un plébiscite en faveur d’un “temple de la consommation”.
Pour répondre à l’essentiel des attentes des consommateurs, une structure bien moins coûteuse, avec quelques commerces choisis, pourrait constituer une alternative.
La partie “Loisirs”, autour du sport, et de l’escalade en particulier, répond à une attente. On notera juste que les salles d’escalade fleurissent actuellement partout, au risque d’atteindre la saturation.
Concernant l’argument de la re-localiser l’acte d’achat (limiter l’évasion commerciale), le bénéfice est certain concernant les recettes fiscales pour les Boucles de Seine. Il doit être relativisé concernant la limitation des déplacements car, comme indiqué dans l’étude :
- une part certaine d’achats (comme l’ameublement), ne peut pas être pourvue sur place.
- une part importante des achats sont actuellement réalisés lors des trajets domicile-travail (typiquement La Défense), donc déjà très favorable en terme d’impact transport.
Un investissement conséquent … quelle place pour des produits/services durables (à ce jour dégageant moins de marge) ?
L’investissement annoncé de 170M€ devra être rentabilisé, donc avec des loyers élevés.
Les modèles économiques vertueux ne sont actuellement pas viables avec un coût de distribution élevé (made in France), ou nécessitant de la surface (réparation – axe de développement récent de Décathlon, par ex.).
Des commerces type recylerie sont listés dans les prospects de Carrefour. Mais sans aucune indication de surface allouée, signe que les volumes de vente seront probablement anecdotiques.
Plus d’emplois locaux – si l’étude le dit…
Le territoire, très résidentiel, présente un fort déficit d’emploi local, on ne peut que se réjouir que les différente études et avis considèrent un gain net d’emplois. En espérant que les estimations sont exactes (voir lacunes ci-dessous).
L’étude d’impact commercial est incomplète concernant Carrières-sur-Seine
Elle ne décrit que les commerces de la Halle Carnot et alentours. Elle ne mentionne pas l’existence des moyennes surfaces (Casino et Weldom). Ce dernier en particulier pourrait être impacté, car sa zone de chalandise dépasse Carrières, et l’orientation de l’extension est précisément de fournir des moyennes surfaces.
Un progrès considérable pour le cadre urbain … mais en grande partie indépendant du projet d’extension.
Le projet apporte un progrès considérable, autant sur le plan des surfaces végétalisées que des circulations douces (vélo, piétons). Des points de détails, comme le conflit piétons/vélos, au niveau du rond-point venant de Sartrouville (Gabriel Péri / Montgolfier) seront à corriger.
Notons que l’essentiel de l’amélioration provient des décisions – et de l’investissement – des collectivités locales. Avec le choix déterminant – que nous saluons – de passer de 4 à 3 voies automobiles sur l’avenue Gabriel Péri.
Les montants en jeux (5.3M€) sont à portée d’un investissement public. L’agrandissement du Centre Commercial lui-même n’est pas nécessaire pour réaliser ce qui est présenté comme un des bénéfices majeurs du projet.
Une étude thermique clairement édulcorée … pour taire la consommation énergétique du bâtiment.
Le document thermique fournit un luxe de détails, sauf l’essentiel … la consommation énergétique du bâtiment (kWh/m²/an) !
Il est juste affirmé qu’elle est conforme. Il y a fort à parier que les panneaux photovoltaïques ne sont pas un ‘plus’ mais avant tous destinés à être comptabilisés dans le bilan pour pallier à la conception thermique médiocre.
Le bâtiment mise sur l’apparence, avec une ‘rue couverte’ vitrée, gouffre énergétique à climatiser en été. L’étude parle ouvertement de ‘droit à climatiser’. Les meilleures réalisations actuelles sont presque 2x plus économes.
Une occasion manquée pour le photovoltaïque
Les grandes surfaces commerciales (toitures, parkings) sont reconnues comme étant le cas d’école pour lequel le photovoltaïque est pertinent.
En effet l’activité du site est essentiellement diurne, et la consommation maximum en été, pour réfrigérer, totalement en phase avec la production photovoltaïque. Avec un ‘retour sur investissement’ énergétique de ~3ans.
Concernant le bilan carbone, il est regrettable que l’étude ne précise pas (et donc ne spécifie pas ?) l’origine des panneaux. Si la fabrication n’est pas asiatique, le bilan peut être très positif.
Il est mis en avant une surface de 2 000m² de panneaux, alors que le parking silo a lui seul offre 12 000m² facilement accessibles, et susceptible de couvrir une bonne part du besoin électrique.
Ce qui aurait peut-être permis d’éviter des travaux sur 5.5km de voirie pour tirer une nouvelle ligne électrique jusqu’au Pecq.
Une plaine agricole préservée… pour le moment
Le projet proposé se plie parfaitement à la contrainte de ne pas artificialiser de sol, en réalisant l’extension et les parkings sur le parking actuel. Avec un impact sur le coût de réalisation probablement conséquent.
Le dossier entretient par contre la confusion sur une zone agricole indiquée ‘sanctuarisée’.
Hors il n’en est rien : la zone incluse dans la Zone Agricole Protégée (ZAP) – officialisée en 2020 – n’avait qu’un intérêt marginal pour Carrefour.
A l’inverse, une bonne part de la zone initialement pressentie pour réaliser l’extension n’est pas protégée par la ZAP, et ceci contre l’avis émis par le commissaire enquêteur de l’enquête publique ZAP.
Actuellement non-constructible, cette grande parcelle de la Plaine reste à la merci d’une évolution du seul Plan Local d’Urbanisme (PLU) de Montesson.
Aucun bilan écologique de la construction
Le dossier décrit des travaux très lourds. Rien que pour le terrassement : 110 000 m3 de terre à déplacer (200 camions/j) dont 20% et 60% pollués donc nécessitant une filière spécifique.
La compacité, et l’hypothèse d’une croissance de la voiture (+10%) pousse à construire un parking silo massif (220m de long, 4 niveaux).
Aucun bilan écologique de la construction n’est présenté, ce que n’aurait pas manqué de relever la MRAE si elle avait émis un avis.
Présenté comme local… mais conçu sur un modèle à 95% voiture
Le dossier indique que le transport des clients est le poste largement majoritaire des émissions de ce projet.
Par ailleurs, il insiste longuement sur le caractère local et fidèle de la clientèle.
La zone de chalandise retenue couvre 320 000 habitants. La durée de trajet ‘acceptable’ retenue est 20min en voiture et 15min en mode doux. La population couverte en 15min de vélo est de 140 000 habitants.
On peut comprendre la prééminence de la voiture pour les courses alimentaires. Le positionnement de l’extension étant boutique/loisirs – de plus centrés sur la thématique du sport – le vélo est pertinent pour environ 40% des chalands.
L’étude est clairement incomplète concernant les modes de transports
Elle ne retient comme mode de transport doux … que la marche à pied!
C’est une perle il faut le citer (3.Dossier CNAC.pdf, page 65) : “La zone d’attraction en modes doux, c’est-à-dire pour les usagers se déplaçant à pied ou à vélo, représente une clientèle de proximité. Son périmètre correspond à une quinzaine de minutes de marche.” Et c’est tout, vélo pas étudié. Comment être incohérent en l’espace de 2 phrases !
Le dossier met en avant le stationnement vélo, effectivement bien localisé.
Mais il reste anecdotique, car ne permettant que 4% de part modale (120 arceaux vs 3045 stationnements voitures).
Les difficultés des circulations sont par ailleurs probablement sous-estimées, la pratique du ‘drive’ ayant encore augmenté depuis la sortie de l’étude.
La circulation automobile est une préoccupation qui ressort de beaucoup de commentaires. Si elle pouvait être significativement diminuée par des modes doux, l’opposition au projet serait bien moindre.
Carrefour Montesson, grâce au caractère local de sa zone de chalandise, et à sa nouvelle orientation thématique ‘sport’, pourrait être le pilote d’un mode de desserte mixte voiture / vélo, y compris pour le Drive.
En conclusion :